[1/2] « Je regrette parfois cette expérience de l’élection » (Pierre-René Lemas)

Pierre-René Lemas (@France Active)

Quatre ans après la publication de Dans l’ombre des Présidents (Fayard), le préfet Pierre-René Lemas, homme-clé de la mitterrandie et de la hollandie, confie à CulturePolitique.net et à Romain Bongibault qu’il a failli se présenter à un scrutin dans l’Aisne dans les années 1990.

CulturePolitique.net & Romain Bongibault: A lire un portrait de vous dans Les Echos, on a l’impression que c’est presque par hasard que vous êtes devenu énarque…

Pierre-René Lemas: Ce n’est pas complètement faux… Après avoir été diplômé en droit et de Sciences-Po, j’ai fait quelques piges, inspiré par mon oncle journaliste. Quand mon épouse est tombée enceinte, c’est devenu compliqué de continuer ainsi. C’est pourquoi j’ai ressenti le besoin de reprendre ma vie en main et j’ai passé, une première fois sans succès, les concours administratifs. C’est ensuite que j’ai été admis à l’ENA.

Comprenez-vous les critiques actuelles au sujet de l’ENA ?

L’ENA a toujours été critiquée, alors que le monde entier s’est inspiré de cette école! C’est une véritable formation pour les métiers de l’administration avec une vraie valeur ajoutée. Vous y apprenez comment fonctionne le pouvoir central, le monde des collectivités locales… La gestion d’une manifestation, de l’ordre public, et plus généralement le métier de préfet, cela ne s’improvise pas ! La formation est nécessaire pour bien administrer. A l’époque il y régnait un certain conformisme à la Raymond Barre. Je n’en suis pas Barriste pour autant !

Votre promotion Voltaire est célèbre pour avoir donné un président de la République, un secrétaire général de l’Élysée puis Premier ministre, une candidate à l’Elysée, des ministres, des grands patrons…

J’étais marié et j’avais un bébé. Aussi étais-je considéré comme un vieux. Si, le soir, je rentrais directement chez moi sans sortir avec eux, je restais quand même copain avec eux. C’est dans le cadre du syndicat étudiant Carena, dont tout le monde voulait être le chef, que j’ai retrouvé François Hollande.

En réalité, je garde surtout un excellent souvenir de mes stages : à Bruxelles d’abord pour l’axe des pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique, avant de connaître les trois-huit dans l’entreprise Procter & Gamble à Amiens. Je suis d’ailleurs resté en contact avec des personnes que j’ai connues à cette époque. Évidemment, je ne parle pas du Président ! [Il éclate de rire]

Dans votre livre Des princes et des gens – Ce que gouverner veut dire (Seuil), vous définissez d’ailleurs le rôle du préfet dans son rapport avec le pouvoir central. Il est, écrivez-vous, toujours “dans une position ambiguë” à la fois représentant de l’Etat, mettant en oeuvre les directives du gouvernement, et avocat de son territoire adoption auprès des ministères. “Il n’a d’autre poids que celui de sa fonction, de son expérience et de son éloquence”, ajoutez-vous. Ne peut-il aussi jouer de son savoir/connaissance et de ses connaissances/relations ?

Le préfet est à la fois le représentant de l’État sur le territoire et le représentant du gouvernement sur le terrain. Cela a été le métier le plus intéressant de ma carrière. Véritable nomade, il n’est jamais cloué à un endroit et peut faire plein de choses. A la fois ancré dans la vie locale, dans l’ordre des métiers de la vie civile, le préfet incarne symboliquement la représentation de l’État et le gouvernement, fusionnés sous la même casquette.

Au cœur de l’appareil de l’État et de la collectivité territoriale, il fait remonter au pouvoir central les demandes locales. Il analyse la vie publique au prisme du ressenti des citoyens, des élus, des syndicats et des chefs d’entreprise locaux. Aussi se retrouve-t-il à prendre parti en devenant leur porte-parole au niveau de leur administration.

Le préfet étant considéré comme neutre, car ne briguant pas de mandat, c’est un acteur de la vie locale en cohérence avec Paris. C’est dans cette concertation avec le terrain et cette intermédiation que se trouve une marge de manœuvre non-dite. Le plus intéressant dans le métier !

Ne finit-on par tomber dans un rapport affectif avec sa population ?

Il faut en effet essayer d’apporter des réponses pratiques aux habitants, d’autant que j’ai toujours remarqué une grande ignorance voire une certaine condescendance des cabinets ministériels.

Ne vous a-t-on pas accusé de sortir de votre rôle ?

Sans doute. Les élus n’aiment pas beaucoup les préfets trop actifs. C’est vrai que je n’ai pas toujours demandé d’autorisation.

2006-2007: Préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle.

Je voudrais vous parler d’un exemple concret. La décision avait été prise d’ennoyer les mines après leur fermeture, malgré des conséquences sociales dramatiques localement. Quand de l’eau s’infiltre dans les galeries, le sol voire le bâti menace de s’effondrer. Dès lors, comment fait-on pour y vivre ? Les gens désemparés se tournent vers l’État, donc vers le préfet.

Quand je me retrouve face à un conseiller technique du Premier ministre, Dominique de Villepin, pour défendre la situation du département face à l’administration, cela ne passionne pas beaucoup les cabinets. Si les grands élus – anciens ministres, président du conseil départemental – sont du même avis, le sujet est audible. En revanche, si ce n’est pas le cas, qu’est-ce qui vous reste ? La pédagogie, le réseau et la crédibilité de votre parole pour convaincre.

2003-2006: Préfet de Corse, préfet de Corse du Sud.

J’ai servi en Corse à une époque politique et économique compliquée. Pour beaucoup, la peinture sur les murs de slogan racistes à teneur islamophobe, illustrés dans son paroxysme avec un attentat à la bombe contre la Mosquée de Sartène n’était pas un sujet majeur.

Je pensais que c’était grave pour la Corse elle-même. D’abord cela ne concerne qu’une minorité. Ensuite le continent accuse volontiers la Corse de tous les maux. Enfin la Corse ne supporte pas, à juste titre cette contre-image qu’on lui renvoie à travers des lieux communs sur l’île.

 C’est ainsi qu’est née la “Semaine de la fraternité”, une initiative de la préfecture sans autorisation du pouvoir politique. Tout le monde en a été informé. Il y a eu des affiches dans les écoles, les collèges et le lycées siglées Corsica Fraterna. Cet élan fraternel s’est poursuivi autour de concerts, de pièces de théâtre ou encore de repas autour de méchouis avec les acteurs locaux pour montrer que la Corse était solidaire et fraternelle. Cela a conduit à l’arrêt rapide des actes racistes. Ce fut un moment passionnant où une bonne partie de la société corse a adhéré mais pas toute la classe politique.

Mais je n’ai aucun regret. Cela a été un beau moment de ma vie en Corse lorsque je me suis retrouvé dans cette salle des fêtes populaire de la ville d’Ajaccio où on chantait des chants Corses et la Marseillaise.

N’avez-vous jamais songé à vous présenter à une élection ?

Dans les années 1990, on m’a suggéré de me présenter aux élections municipales dans l’Aisne. Or, à la même période et à quelques mois près, j’y étais encore préfet. La loi interdisant de se présenter à une élection si vous avez exercé quelques temps plus tôt dans l’administration locale du territoire, ce fut plié !

Je reste un acteur et pas un simple observateur qui côtoie la vie politique tous les côtés. Il n’en demeure pas moins que je regrette parfois cette expérience de l’élection.

A défaut d’être élu, vous avez été un acteur public engagé sur le terrain. Dans cet esprit, considérez-vous qu’entrer en cabinet ministériel est une forme d’engagement politique ?

Oui. Être conseiller même technique, c’est faire le choix d’adhérer à ce que pense votre ministre. C’est un choix politique que de sauter le pas en voulant entrer dans un cabinet.

Comment d’ailleurs le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre vous a-t-il recruté en 1983 vous le gaulliste de gauche qui avait “seulement” trois années d’expérience ?

Gaston Defferre était alors un monument de l’histoire, une personnalité considérable, auteur de la loi sur l’autonomie outre-mer. Un jour, un camarade de Sciences-Po, le conseiller d’État Eric Giuily, m’appelle pour me dire que le ministre de l’Intérieur cherche un sous-préfet. Quand il me reçoit, il m’interroge sur ma vie à vingt-cinq ans. Je lui explique que je ne suis pas socialiste. Ce à quoi il me répond : “Cela ne vous dérange pas de travailler avec des socialistes ?” Je suis resté bluffé.

Avec François Roussely, venu de la Cour des Comptes, nous formions un groupe de trois amis pour élaborer les grandes lois de la décentralisation. Moi-même j’avais une courte expérience de la vie locale, sortant de trois ans de postes de directeur de cabinet et de sous-préfet en Dordogne et dans le Val-de-Marne. C’est Defferre qui fait ce choix de s’appuyer sur des jeunes pour piloter la réforme. A l’époque, c’est considérable car il s’agit de faire passer la France jacobine à une France où les collectivités locales redeviennent libres.

J’adhérais complètement à cette politique de la gauche. Il y avait une continuité avec le discours de Lyon du général de Gaulle de 1967 qui annonça lui-même la décentralisation… avant l’échec du référendum sur la régionalisation de 1969. C’est la passion d’une vie. “Ce métier est foutu !” me disent alors les préfets. “On t’attend avec des sabres et des baïonnettes lorsque tu reviendras en poste !”

Pourquoi Pierre Joxe vous a-t-il gardé place Beauvau en 1984 alors que vous auriez pu suivre Gaston Defferre au ministère du Plan et de l’Aménagement du territoire ?

Avec François Roussely, nous nous sommes posés à la question de ce qu’on faisait… Nous sommes au milieu du gué des réformes mais nous avons fait le choix de rester. Même si Defferre a boudé, nous savons que les vraies manettes de la réforme sont au ministère de l’intérieur.

La décentralisation politique a ainsi été faite par étapes en supprimant d’abord les tutelles de l’État. Puis en donnant aux collectivités locales des compétences et donc des moyens c’est-à-dire des moyens financiers et des moyens en personnels. Un travail considérable de concertation et de dialogue. La structure même des collectivités locales était la question que l’on se posait et avec Pierre Joxe, nous avons crée les communautés de communes. La mise en œuvre des réformes se fait toujours par l’amont, rien ne s’improvise. La gauche avait déjà la réforme de la décentralisation dans les cartons depuis dix ans. Et nous avons travaillé sur la coopération intercommunale dès 1986.

De même, François Hollande travaillait déjà avant son élection sur les réformes de son quinquennat.

Aujourd’hui encore je crois que l’avenir est à la décentralisation.

Arrive la cohabitation en 1986 et vous devenez sous-directeur des départements d’Outre-Mer au ministère des Départements et Territoires d’Outre-Mer. Avez-vous participé à la campagne de réélection de François Mitterrand en 1988 ?

Personne n’était dupe. Quand il me présentait à Jacques Chirac, mon ministre de tutelle, Bernard Pons, disait : “C’est mon sous-directeur de gauche”. C’est d’ailleurs moi qui ai rédigé en partie la loi qui porte son nom. Je n’ai en revanche pas vraiment participé à la campagne de réélection de François Mitterrand, ayant seulement fait partie d’un groupe de travail le soir.

  • 23/02/1951: naissance à Alger.

  • 1974: diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

  • 1978-1980: Ecole nationale d’Administration – Promotion Voltaire.

  • 1980-1981: Sous-préfet de la Dordogne.

  • 1981-1983: Sous-préfet du Val-de-Marne.

  • 1983-1984: Conseiller technique du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Gaston Defferre.

  • 1984-1986: Conseiller technique du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Pierre Joxe.

  • 1986-1988: Sous-directeur des départements d’Outre-Mer au ministère des Départements et Territoires d’Outre-Mer.

  • 1988-1989: Directeur du cabinet du secrétaire d’Etat chargé des Collectivités locales, Jean-Michel Baylet.

  • 1989-1992: Directeur général des collectivités locales (DGCL) au ministère de l’Intérieur.

  • 1992-1994: Préfet de l’Aisne.

  • 1994-1995: Adjoint au délégué à l’Aménagement du territoire et à l’Action régionale, Pierre-Henri Paillet.

  • 1995-1998: Directeur de l’habitat et de la construction au ministère du Logement.

  • 1998-2000: Premier directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction au ministère de l’Equipement.

  • 2000-2003: Directeur général de l’administration au ministère de l’Intérieur.

  • 2003-2006: Préfet de Corse, préfet de Corse du Sud.

  • 2006-2007: Préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle.

  • 2007-2008: Directeur des Journaux officiels.

  • 2008-2011: Directeur général de Paris Habitat.

  • 2011-2012: Directeur de cabinet du président du Sénat, Jean-Pierre Bel. 

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Paul Vergès : « Debré est venu, il a bourré toutes les urnes, car sinon il aurait été écrasé »

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Crédit photo : Patrice Normand – www.patricenormand.com

Le 20 avril 2015, CulturePolitique.net avait rencontré, pendant trois heures, le sénateur réunionnais, alors doyen de la Chambre haute. Aujourd’hui, à l’heure de sa disparition ce 12 novembre 2016, retour, en dix articles, sur un quasi-siècle de vie. Sixième épisode : la politique au côté de son père Raymond.

Vous-même, vous avez échappé à quelques tentatives d’assassinat…
La première fois était lors de l’élection de François Mitterrand à l’Élysée. Son fils Jean-Christophe est venu faire campagne dans le sud de l’île près de la Grande Ravine et on m’a tiré dessus. C’était très net que celui qui a ouvert le feu me visait. Nos regards se sont croisés. Sa balle a tapé le pare-brise mais pas moi. Quand on s’est arrêté dans le virage suivant, j’ai dit à mes camarades : « On le poursuit ! », mais « Papamadit » m’a dit : « Surtout pas ! Tu sais qu’avec les histoires d’attentats, mon père en a subi et je ne veux pas qu’il y ait la même chose… » Plus tard, il y a quelqu’un qui m’a dit : « Si c’est Jean-Christophe qui avait été tué, son père aurait été élu tout de suite. » Quel raisonnement ! C’est arrivé une deuxième fois où un bâton de dynamite a explosé dans le pot d’échappement. L’intention était criminelle, mais son auteur n’était pas un spécialiste. Cela fait peur, mais c’est tout. Voilà comment se sont passées ces choses-là.

Vous êtes élu conseiller général en 1955, puis député en 1956.
Je rentre à La Réunion un an avant, en 1954. Il y a alors une crise du Parti communiste réunionnais. Le PCF envoie ses responsables sur place qui échouent à redresser la situation. L’un d’eux leur dit : « Pourquoi gardez-vous Paul à la section coloniale ? Envoyez-le à La Réunion ! » J’étais marié et ma femme était la secrétaire particulière de Laurent Casanova, le responsable des intellectuels au PCF. Elle les a tous connus à l’époque, et pas seulement Louis Aragon et Elsa Triolet. Laurent Casanova comme mon épouse, qui devait me suivre, résistent : « Ne le laissez pas partir ! Vous allez l’enfermer sur cette petite île alors que manifestement, il peut avoir un rôle national, car il est cadre. » Finalement, je rentre à La Réunion avec Laurence et nos deux filles. Les usines sucrières sont alors concentrées par de grands propriétaires terriens. Or ils avaient décidé à Saint-André, où il y en avait quatre, de fermer l’une d’entre elles.

« J’ai été propulsé comme le vainqueur des sucriers ! »

Votre père vous cède alors son siège ?
Pas du tout ! Il était maire de Saint-André et son secrétaire général, qui avait été dans ma classe au lycée, m’appelle un jour en me disant : « Les banques disent que c’est terminé. Il faut déposer le bilan et rembourser. C’est foutu ! Peux-tu nous aider ? » Sauf que cela me pose un problème personnel important : le propriétaire de cette usine était, en 1936, candidat aux élections législatives et avait mené une campagne de diffamation contre mon père avec cette phrase : « Raymond Vergès n’est pas un ancien combattant, il était planqué en Indochine pendant toute la guerre, y a assassiné sa femme et l’a envoyée par colis en Chine ! » Le soir, un autre sucrier, gendre de sénateur et ancien camarade de classe de mon père, l’appelle et lui dit : « Tu sais très bien ce qui nous sépare politiquement, mais ce qu’il a écrit à l’époque est indigne. Je sais que tu as fait la guerre, tu es décoré et tu ne peux pas laisser faire. Porte plainte. » Mon père ne voulait pas et j’ai donc décidé de porter plainte et de le citer comme témoin. Le propriétaire de l’usine est condamné à une très lourde amende et mon père ne sachant quoi faire de l’argent récupéré, le place au Trésor et demande à créer des bourses à tous ceux qui ont réussi le certificat d’études. L’histoire se termine au tribunal de commerce. 92 % des 17 000 planteurs, suivis par les banques, votent pour un concordat, à tel point que l’éclat dans l’île a été extraordinaire et que j’ai été propulsé comme le vainqueur des sucriers. Arrivent les élections et tous les camarades disent que je dois être candidat. Je leur rétorque : « Il n’y a qu’un seul député, c’est mon père Raymond Vergès ! » Je dis à mon pater qui m’a toujours impressionné par toute sa vie qu’il doit se représenter. Il me répond : « Écoute, je suis ingénieur agronome, je suis ingénieur des chemins de fer, je suis médecin, et je dois te dire que s’il y a un nouveau mandat, je ne le terminerai pas. Je le sais. Je remercierai tous les camarades qui me demandent de continuer, mais je m’arrête. »

Il savait qu’il était malade ?
Oui, et un an après, en 1957, il est mort. Cette élection à la proportionnelle a été un triomphe à La Réunion si bien qu’on a eu deux députés sur trois et que sur toute l’île, on a gagné 52 % des voix. C’est là qu’est partie la renaissance du Parti communiste à La Réunion, mais c’est là aussi qu’ont commencé nos malheurs. Suite à cette victoire, ça a commencé par le limogeage du préfet alors qu’il n’y était pour rien. Puis son successeur a fait dissoudre toutes nos mairies.

Ou comme l’ex-Premier ministre Michel Debré qui, après avoir perdu en 1962 en Indre-et-Loire, se parachute à La Réunion en 1963…
C’est parti d’un sénateur réunionnais qui dit à Michel Debré qu’il y a une place à La Réunion aux élections et que s’il vient, il sauvera l’île d’une révolution cubaine. J’ai toujours en tête un article du Nouvel Obs dans lequel Debré dit : « Je viens à la Réunion pour lutter contre le communisme… » Il est venu, il a bourré toutes les urnes, car sinon il aurait été écrasé. C’est à la même période que les ordonnances ont expulsé des fonctionnaires, dont l’attitude était de nature à troubler l’ordre public.

Propos recueillis par César Armand – Tous droits réservés CulturePolitique.Net

Jean-Louis Bianco raconte l’histoire de la gauche dans « Mes années avec Mitterrand »

Le secrétaire général de l’Elysée entre 1982 et 1991, puis ministre jusqu’en 1993, narre, chez Fayard, son expérience auprès du monarque-président de la République, et en tire des enseignements qui prévalent aujourd’hui.

Le langage diplomatique

Il est des citations amusantes à retrouver au lendemain du vote de résolution de l’Assemblée nationale demandant la levée des sanctions économiques contre la Russie :
« Je suis lassé d’entendre depuis des années des dégoulinades bien-pensantes sur « la politique extérieure commune de l’Union européenne ». Cette « politique extérieure » ne recouvre le plus souvent qu’un discours creux et hésitant. Si l’on veut être sérieux, on pourrait commencer par essayer de se mettre d’accord sur une démarche claire, réaliste et ambitieuse vis-à-vis de la Russie. »

Plus tôt dans Mes années avec Mitterrand (Fayard), Jean-Louis Bianco explique que « François Mitterrand analyse toujours un conflit à partir de l’histoire. Cela donne à sa vision une profondeur de champ qui manque cruellement aux dirigeants d’aujourd’hui. » Un Président dont la maxime de vie était, apparemment, « convaincre et non contraindre ».

La querelle des Sages

De même, alors que l’ex-ministre des Affaires étrangères et du Développement international vient de quitter le quai d’Orsay, l’auteur retrace, pour mémoire, les différends entre le président du Conseil constitutionnel et son collègue de la rue de Montpensier :
« Laurent Fabius, Premier ministre, estime que c’est à lui de conduire la campagne pour les législatives [de 1986]. Lionel Jospin au contraire est convaincu que ce rôle lui revient, en tant que premier secrétaire (…) Depuis des mois, j’avais vu venir le conflit entre les deux hommes. J’avais proposé au Président un partage des rôles. Il m’avait écouté, intéressé, mais sans trancher. En la matière, il pratique une sorte de « darwinisme politique ». Que le meilleur des deux l’emporte. »

Autre illustration du monarque qui aime diviser pour mieux régner : les conseillers de l’ombre qui auditionnent des putatifs locataires de Matignon :
« Le Président m’a demandé de prendre aussi contact avec Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre de Georges Pompidou, avec qui il a gardé des liens d’amitié. Pour éviter toute fuite, je reçois Chaban-Delmas au domicile de m(a) [secrétaire générale] adjointe, Michèle Gendreau-Massaloux.
(…) Michel Charasse, à la demande du Président, a pris contact avec un autre candidat possible, son compatriote auvergnat Valéry Giscard d’Estaing. Même réponse négative de sa part : le RPR, qui estime que le poste lui revient, l’empêcherait de constituer une majorité. »

Sans transition

Je vous invite à retrouver, sur le blog de mon co-auteur Romain Bongibault, la chronique d’Un monde au défi (Fayard) d’Hubert Védrine, successeur de Jean-Louis Bianco au secrétariat général de l’Elysée => https://romainbgb.wordpress.com/2016/04/25/le-monde-au-defi/

César Armand

 

« Les Amazones de la République », l’encyclopédie politique de l’été

Le dernier livre de Renaud Revel revient, en détail, sur les passions élyséo-médiatiques qui ont émaillé la Vème République.

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Qu’ont de commun François Mitterrand et Jacques Chirac ? Le conseiller en communication Jacques Pilhan ? Pas seulement ! L’amour démesuré de l’autre sexe, et si l’intéressée a une carte de presse, c’est encore mieux…

Dans une enquête très bien écrite, à mille lieues de l’austère Sexus Politicus des Christophe Deloire et Dubois, le journaliste de L’Express Renaud Revel raconte, avec force détails, cinquante-cinq ans de secrets d’alcôve entre présidents et journalistes.

Anne Fulda & Nicolas Sarkozy

Aucun nom – ou presque – ne passe à la trappe, nulle grivoiserie à l’horizon – pas de trace du rapport dans le parking à Beaubourg par exemple – , juste des faits précis avec les bons interlocuteurs, comme Anne Fulda, l’éditorialiste du Figaro, qui raconte son histoire avec Nicolas Sarkozy.

Il ne manque que la confidence de Bernadette Chirac à Patrick de Carolis dans Conversation : « Les filles, ça galopait » ou le témoignage de celle qui, entre le rez-de-chaussée et le plateau du JT au 19ème étage, se vit exiger une fellation par un ancien chef de l’Etat dans l’ascenseur.

Les Amazones de la République, Renaud Revel, First, 318 p., 19€95

César Armand